Les avantages pour les parties de régler leurs différends sont évidents. Même s’il existe plusieurs techniques de facilitation des règlements développées par les tribunaux arbitraux (voir CarraraSussman & Berger et Vysudilova et Kirtley), les institutions arbitraires sont restées à l’arrière-plan. Lors de la 8e Conférence européenne de la CCI en mars 2024, le message véhiculé par les parties était fort et clair : les règles d’arbitrage devraient inclure des précisions sur les créneaux ou fenêtres de règlement. Cela encouragerait les dirigeants des sociétés à mener les négociations de règlement avec plus de confiance une fois l’arbitrage commencé. Dans le même temps, une telle codification incitera les arbitres à se familiariser avec les techniques de facilitation des règlements et à les utiliser avec succès.
Tendances récentes en matière de facilitation du règlement
Les tendances récentes en matière de facilitation des règlements se reflètent, par exemple, dans les statistiques 2023 de la CPI.qui montrent que si 870 affaires ont été enregistrées, pas moins de 364 affaires ont été retirées avant qu’une sentence finale ne soit rendue, dont la majorité absolue (90 %) était basée sur la demande conjointe des parties ou sur une demande d’une partie formulée sans toute objection des autres. En outre, 34 procédures se sont soldées par une sentence amiable. Ces statistiques font suite à celles de 2021 amendements au Règlement de la CCI à l’Annexe IV sur les techniques de gestion des cas, habilitant le tribunal arbitral à encourager les parties à envisager un règlement.
Plus progressivement, l’article 26 du Règlement d’arbitrage DIS 2018 oblige le tribunal arbitral à discuter avec les parties de la possibilité d’un règlement amiable du différend ou de certaines questions litigieuses.
En effet, les utilisateurs semblent de plus en plus disposés à accepter le rôle d’un arbitre pour faciliter le règlement, quelle que soit leur origine géographique (Berger & Jensen; voir également l’enquête 2021 expliquée dans « Les techniques d’arbitrage et leur effet (direct ou potentiel) sur le règlement »).
Dispositions institutionnelles suggérées
À la lumière des tendances récentes, la prochaine étape naturelle consiste pour les institutions d’arbitrage à rattraper leur retard et à accueillir de manière proactive les perspectives de règlement au cours des procédures d’arbitrage.
A cet effet, les auteurs ont proposé plusieurs projets de dispositions, chacun accompagné d’un commentaire explicatif. Ces dispositions tentent de capturer les éléments pertinents pour faciliter le règlement au cours de la procédure d’arbitrage.
Dispositions proposées
Alinéa (1)
Lors de l’élaboration du calendrier procédural, le tribunal, en consultation et avec l’accord des parties, prévoit des fenêtres de règlement au cours de la procédure afin de fournir aux parties des possibilités suffisantes pour tenter de régler leur différend.
Paragraphe (2)
Lorsqu’une partie contacte une autre partie avec une proposition de règlement, que ce soit pendant les fenêtres de règlement ou autrement, ni l’autre partie ni le tribunal ne peuvent tirer de conclusions (que ce soit du contenu de la proposition ou de la formulation de la proposition en elle-même). sur la force ou la faiblesse de tout argument ou réclamation que l’une des parties aurait pu soulever lors de l’arbitrage.
Alinéa (3)
Dans la mesure où le tribunal s’est engagé à faciliter le règlement en appliquant des techniques généralement pratiquées et reconnues en matière d’arbitrage international, quel que soit le résultat, aucune des parties ne contestera les arbitres ou la sentence au motif que le tribunal aurait préjugé l’affaire, a fait preuve de parti pris contre ou envers l’une des parties ou a violé les droits des parties à une procédure régulière, à condition que les parties aient consenti à ce que le tribunal applique l’une desdites techniques.
Alinéa (4)
Dans le cas où les parties parviennent à un règlement de tout ou partie de leurs réclamations dans le cadre de l’arbitrage, le tribunal sera raisonnablement rémunéré en tenant compte du stade de la procédure, de l’implication du tribunal, directement ou indirectement, pour faciliter le règlement. et toute autre circonstance que le tribunal juge pertinente pour la [Court / Board] à prendre en compte lors de la fixation des honoraires du tribunal.
Brève explication des dispositions
Explication du paragraphe (1)
L’objectif du paragraphe (1) est d’introduire dans le règlement d’arbitrage la possibilité pour les parties de régler le différend par voie d’arbitrage et de garantir que cette possibilité soit placée au même niveau que les autres étapes procédurales.
Discuter des délais de règlement lors de l’établissement du calendrier procédural encouragera toutes les parties et les membres du tribunal à envisager des négociations de règlement et des facilitations à un stade précoce.
En prévoyant des créneaux de règlement à différentes étapes de la procédure, le tribunal offre aux parties la possibilité de parvenir à un règlement sans perturber le calendrier procédural et éviter les dérapages. De telles fenêtres peuvent être trouvées dans les conférences de statut/à mi-parcours entre les parties et le tribunal pour discuter conjointement des possibilités de règlement, adaptées aux besoins des parties.
Bien que l’offre de créneaux de règlement puisse ajouter des étapes supplémentaires à la procédure, il est avancé que celles-ci profiteront en fin de compte aux parties, car elles permettront à toutes les parties prenantes de se concentrer sur les questions clés afin d’être efficientes et efficaces.
Une telle disposition pourrait être facilement incorporée dans les règles institutionnelles existantes, par exemple dans l’article 24.2 du Règlement de la CCI.qui oblige le tribunal à établir un calendrier procédural à transmettre à la Cour de la CPI. Étant donné que la Cour de la CPI prend en considération le calendrier procédural pour établir le délai pour rendre la sentence, les conférences de statut/intermédiaires déjà prévues ne retarderont pas la soumission en temps opportun du projet de sentence au Secrétariat de la CPI. En conséquence, les honoraires des arbitres ne seront pas non plus affectés. En tant que tel, le paragraphe (1) fonctionne en conjonction avec le paragraphe (4).
Explication du paragraphe (2)
Le but du paragraphe (2) est d’éviter toute résistance de la part des participants à un arbitrage, comme la direction d’une entreprise, qui pourrait envisager de faire un premier pas vers l’autre partie pour entamer des négociations de règlement comme un aveu de faiblesse.
Les conseillers juridiques d’entreprise doivent souvent surmonter le scepticisme interne quant à la première étape des négociations de règlement. vis-à-vis leurs collègues de direction.
Cette disposition garantira qu’aucune conclusion défavorable sur la position d’une quelconque partie ne puisse être tirée, quelle que soit la partie qui fait le premier pas vers des négociations de règlement.
Explication du paragraphe (3)
Ce paragraphe codifie les garanties généralement appliquées au tribunal et à la sentence, comme l’explique avec justesse le rapport de la CPI.qui a reçu une attention positive, notamment de la part des utilisateurs, quelle que soit leur origine.
Des garanties spécifiques peuvent être trouvées dans le rapport CEDR 2009qui, entre autres recommandations, appellent les arbitres à éviter de rencontrer une partie séparément ou à obtenir d’une partie des informations qui ne sont pas partagées avec l’autre. Les techniques peuvent consister à poser des questions clarificatoires aux parties après la première série de présentations afin de concentrer toute procédure de divulgation de documents à venir, la sélection des témoins et la prochaine série de présentations. Elles peuvent également consister à exprimer des avis préliminaires du tribunal (voir Allemann), le tout pendant que le consentement des parties est donné pour que l’une de ces techniques soit utilisée.
L’inclusion du paragraphe (3) dans le règlement d’arbitrage encouragera les arbitres à s’engager dans la facilitation d’un règlement sans craindre d’être perçus comme partiaux ou de rendre des sentences contestées.
Explication du paragraphe (4)
L’incitation du tribunal à s’impliquer dans la facilitation des règlements peut être moindre si la rémunération est affectée. Les circonstances pertinentes à la rémunération du tribunal doivent être définies par le tribunal lui-même pour les institutions qui rémunèrent ad valorem peut prendre une décision éclairée en fixant les frais.
Le paragraphe (4) garantit que la contribution du tribunal à la facilitation d’un règlement est reconnue de manière appropriée et équitable, soit directement (par exemple, en fournissant des avis préliminaires, si les parties le demandent et en conviennent) ou indirectement (par exemple, en posant des questions de clarification au parties; les guider en rationalisant les problèmes) menant à un règlement. Après tout, il faut un arbitre bien préparé, engagé dès le début dans l’affaire, pour être en mesure de contribuer de manière significative et active à un règlement.
Les paragraphes (1) et (4) contribuent ensemble à garantir l’initiative du tribunal, l’encourageant à jouer un rôle actif dans le règlement. Cela élimine le risque de réticence de la part des arbitres puisque leur travail en faveur d’un règlement sera équitablement rémunéré.
Lors des discussions avec les avocats internes et la direction, il est devenu évident qu’en termes de budgétisation, les parties prépareraient leurs corridors budgétaires au début de la procédure d’arbitrage pour chaque étape. Ils verront à quel moment de la procédure le rapport coût-efficacité des progrès en matière de règlement sera le plus élevé. Ils s’attendront également à ce que l’arbitrage progresse jusqu’à la sentence finale. Par conséquent, la rémunération d’un tribunal proactif qui a directement ou indirectement contribué à la fin anticipée de l’arbitrage par voie de règlement sera un facteur d’économie bienvenu.
À l’instar du Règlement de la CCI, ce paragraphe pourrait être inclus dans l’article 38.2, qui traite des frais d’arbitrage et de la détermination des honoraires des arbitres.
Conclusion
L’inclusion des dispositions suggérées ci-dessus aura un effet de prévisibilité au moment de la conclusion du contrat, lorsque la clause de règlement des litiges est rédigée. Le fait de faire référence à des règles d’arbitrage prévoyant des fenêtres de règlement dans le cadre de la procédure sera considéré comme attrayant pour les utilisateurs.
Alors que les parties sans perspective de règlement sont susceptibles d’exclure dès le départ la possibilité de fenêtres de règlement, les affaires présentant un potentiel de règlement ne seront plus empêchées d’atteindre cet objectif lorsque les outils procéduraux prévoient expressément cette possibilité.
Les conséquences mentionnées ci-dessus pourraient également avoir pour effet d’éviter les différends, dans la mesure où les avocats et leurs clients se prépareront dès le début aux négociations de règlement.
En résumé, l’inclusion de techniques de facilitation de règlement dans les règles d’arbitrage est non seulement souhaitable mais également requise par les tendances et pratiques récentes. Les utilisateurs attendent que les règles institutionnelles soient mises à jour pour fournir le mécanisme le plus efficace pour résoudre leurs différends. Jusqu’à ce que les règles d’arbitrage soient modifiées, les dispositions proposées fournissent des lignes directrices à inclure dans les ordonnances de procédure.
Cet article reflète les opinions personnelles des auteurs et ne reflète en aucun cas les opinions de leurs recommandations ou de leurs employeurs, respectivement. Les auteurs remercient Mme Emily Hay pour sa révision minutieuse. Mme Niuscha Bassiri avait précédemment présenté le projet de dispositions lors de la Conférence de la CPA – Cour suprême de l’Inde sur l’arbitrage international et l’État de droit en septembre 2024.