Voies asymétriques d’annulation – La controverse persistante sur la mise de côté des décisions juridictionnelles négatives

En vertu de l’article 34 de la Loi type de la CNUDCI (« Loi type »), une sentence arbitrale peut être annulée si la convention d’arbitrage est «pas valide« . Une question plus controversée est de savoir si des voies réservées devraient également être disponibles dans le scénario inverse, c’est à dire, lorsqu’un tribunal a conclu qu’aucune convention d’arbitrage valide n’existait et a décliné sa compétence. Bien qu’il ait été avancé que refuser cette possibilité aux parties aboutit à «grave injustice et inefficacité» (Gary Born, Arbitrage commercial international (3e éd.2021) p. 1193), c’est précisément l’approche récemment entérinée par la Cour suprême néerlandaise. Dans cet article de blog, nous expliquons pourquoi.

L’arrêt de la Cour suprême concernait la décision rendu par un tribunal de la CNUDCI dans le cas de Manuel García Armas et al. c.Vénézuela. Le tribunal avait décliné sa compétence au motif que le TBI applicable n’autorisait pas les réclamations des doubles nationaux, une question qui a suscité une certaine controverse (voir, par exemple, ici et ici). Dans un jugement récent dans une autre affaire, le tribunal de district de La Haye a rejeté l’argument selon lequel la double nationalité de l’investisseur excluait l’existence d’un argument d’arbitrage valable. En revanche, dans le cas de Manuel García Armas et al.la question n’a pas été examinée de manière approfondie par les tribunaux néerlandais, car ils ont estimé qu’une décision juridictionnelle négative ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’annulation aux Pays-Bas.

Les subtilités de la procédure civile néerlandaise

Article 1065(1)(a) du Code de procédure civile néerlandais (« DCCP« ) est similaire à l’article 34(2)(a)(1) de la Loi type dans le sens où sa formulation semble limiter la possibilité d’annulation au cas où le tribunal a conclu qu’une convention d’arbitrage valide existe. La situation est différente, par exemple, en France et en Suisse, où la loi prévoit qu’une sentence arbitrale internationale peut être annulée « lorsque le tribunal arbitral a accepté ou décliné à tort sa compétence ».

Le débat devant la Cour suprême néerlandaise s’est concentré non seulement sur le libellé de l’article 1065 du DCCP, mais également sur une apparente incohérence entre plusieurs autres dispositions du DCCP. L’une de ces dispositions (article 1052 (6)) stipule qu’une compétence en matière de décision arbitrale est considérée comme une sentence à laquelle s’appliquent les sections du DCCP sur les sentences arbitrales, y compris (apparemment) les dispositions sur l’annulation. Néanmoins, selon la Cour suprême néerlandaise, l’historique législatif de l’article 1052 démontre que le législateur avait envisagé mais rejeté la possibilité d’autoriser l’annulation des décisions juridictionnelles négatives. L’article 1052(6) a simplement servi à clarifier qu’un défendeur qui a contesté avec succès sa compétence devrait pouvoir exécuter une ordonnance de dépens de la même manière qu’une sentence finale.

Considérations politiques sous-jacentes

L’arrêt de la Cour suprême n’a pas explicitement abordé des considérations plus fondamentales qui peuvent être pertinentes, également dans d’autres juridictions, pour la question de savoir si une sentence juridictionnelle négative devrait être susceptible d’annulation. Plusieurs de ces arguments peuvent être trouvés dans l’arrêt de la Cour d’appel et de l’avis de l’avocat général Drijber rendu dans la même affaire. Une considération, qui est également mentionnée dans l’historique de la rédaction de la Loi type, estime qu’il serait « inapproprié » de contraindre un tribunal à se prononcer sur le fond de l’affaire après avoir décliné sa compétence. Il est douteux que ce point puisse être concluant à lui seul. Dans la mesure où un tribunal aurait des difficultés à poursuivre la procédure après l’annulation de sa décision juridictionnelle initiale, cette situation pourrait en principe être corrigée par la constitution d’un nouveau tribunal (comp. Règle 74(1) du Règlement d’arbitrage du CIRDI). Règles).

Sur un plan plus fondamental, l’avocat général a soutenu que le principe de Compétence-Compétence confère au tribunal l’autorité « principale » pour statuer sur sa propre compétence, ce qui empêcherait l’annulation d’une décision juridictionnelle négative. Ce point soulève également des questions. Même en supposant que le principe de Compétence-Compétence a une quelconque incidence sur le pouvoir du juge d’annulation de contrôler les décisions arbitrales sur la compétence, on pourrait dire que le principe s’oppose au contrôle des décisions juridictionnelles positives comme des décisions négatives. Le principe de finalité, dont l’avocat général a déduit que la décision d’un tribunal de décliner sa compétence devait être définitive, pourrait être interprété de la même manière.

Dans cette optique, le principal argument en faveur de l’autorisation de l’annulation des décisions juridictionnelles négatives est que les parties à un arbitrage devraient avoir un accès égal à la procédure d’annulation. Refuser l’annulation des décisions juridictionnelles négatives aboutit à une asymétrie : alors qu’une décision arbitraire reconnaissant la compétence est soumise à de novo réexamen dans la mesure où l’existence de la convention d’arbitrage est contestée, une décision arbitrale déclinante ne peut être annulée au motif qu’une convention valable existe effectivement.

La Cour d’appel et l’avocat général ont cependant établi une distinction entre les deux scénarios. Ils ont noté que l’exercice de la compétence arbitrale nécessite une renonciation au droit fondamental d’accès aux tribunaux étatiques, et que les tribunaux étatiques devraient donc avoir le pouvoir ultime de déterminer si les conditions d’une telle renonciation sont remplies. En revanche, lorsqu’un tribunal décline sa compétence, le droit d’accès au tribunal n’est pas en cause – au contraire, une telle décision maintient la compétence des tribunaux étatiques.

Et si l’arbitrage était la seule voie disponible ?

Manuel García Armas et al. avait fait valoir que le refus des tribunaux néerlandais de réexaminer l’existence d’une convention d’arbitrage les privait de tout recours significatif contre les mesures prises par l’État hôte. Selon les investisseurs, la protection fournie par les traités internationaux d’investissement dépend de l’accès à un tribunal international impartial et indépendant, en particulier lorsque les tribunaux étatiques ne peuvent pas être considérés comme suffisamment fiables pour fournir la protection requise. Par ailleurs, dans le cadre de l’arbitrage d’investissement, un refus catégorique de soumettre les décisions juridictionnelles négatives à une procédure d’annulation favoriserait systématiquement la position de l’État défendeur.

Une insuffisance perçue de la compétence des tribunaux étatiques peut également survenir dans les litiges commerciaux internationaux. Dans de telles circonstances, il n’est souvent pas immédiatement clair quel tribunal étatique devrait être compétent, et une décision de justice peut également être plus difficile à exécuter qu’une sentence arbitrale (Born, op. cit., p. 1195-96). Pour ces raisons, l’argument selon lequel une décision juridictionnelle négative renvoie « simplement » les parties aux tribunaux étatiques n’est peut-être pas aussi convaincant dans un contexte international que dans un contexte national.

Dans le cas d Manuel García Armas et al.la Cour d’appel et l’avocat général ont rejeté ce point, soulignant que les tribunaux néerlandais n’ont pas l’obligation de garantir l’accès à l’arbitrage international, ni l’obligation d’évaluer la qualité de la protection offerte par les tribunaux étatiques d’autres juridictions.

Controverse continue ou convergence future ?

L’approche adoptée par la Cour suprême néerlandaise n’est pas unique. La Cour suprême allemande, par exemple, est parvenue à un résultat similaire dans une décision controversée. de 2002 (lac pour un commentaire ici). Dans le même temps, l’approche asymétrique risque de perdre du terrain (lac ici à propos du changement de politique effectué à Singapour en 2012). On a dit que cela reflétait un «une logique archaïque… en décalage avec… les évolutions internationales des dernières décennies» (Born, op. cit., p. 1195).

Aux Pays-Bas, l’avocat général a également exprimé une certaine sympathie pour l’argument selon lequel l’accès aux procédures d’annulation devrait être symétrique, et il a noté que des changements législatifs pourraient aller dans ce sens à l’avenir. Néanmoins, selon lui, cette décision devrait être prise par le législateur et non par les tribunaux. Pour l’instant, la Cour suprême a clairement indiqué que les décisions juridictionnelles négatives ne peuvent être annulées aux Pays-Bas, du moins pas au motif qu’il existe une convention d’arbitrage valide. Il a été suggéré que la Cour suprême pourrait avoir été motivée par le désir de limiter le nombre de procédures d’annulation aux Pays-Bas, car celles-ci imposent de lourdes charges au système judiciaire néerlandais. Si telle était bien l’opinion de la Cour suprême, l’arrêt atteindrait probablement son objectif (même si le nombre de procédures d’annulation contestant des décisions juridictionnelles négatives était probablement déjà limité).

Pendant ce temps, Manuel Garcia Armas et al. avoir porté plainte contre les Pays-Bas devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), arguant que l’accès asymétrique à l’annulation viole leur droit d’accès à la justice ainsi que les dispositions anti-discrimination de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Une partie de cette affirmation (lac pour une défense ici) avait été examinée et rejetée par l’avocat général, qui a conclu que la CEDH ne garantit pas un droit d’accès à l’arbitrage ni un droit à des recours juridiques non prévus par la loi.

À moins que la Cour EDH ne considère que l’asymétrie des voies d’annulation disponibles en vertu du droit néerlandais viole les obligations des Pays-Bas en vertu de la CEDH, les parties qui choisissent un siège aux Pays-Bas doivent savoir que la décision d’un tribunal de décliner sa compétence faute de convention d’arbitrage valide est définitive et non sujet à annulation.

We use cookies to personalise content and ads, to provide social media features and to analyse our traffic. We also share information about your use of our site with our social media, advertising and analytics partners. View more
Cookies settings
Accept
Privacy & Cookie policy
Privacy & Cookies policy
Cookie name Active
djp-avocats-bdo.fr Photo de la page Confidentialité

Politique de confidentialité:

Cela est règlementaire à la RGPD.

A propos des cookies:

Dans les cas où vous uploadez un message sur ce site, vous serez amenés à enregistrer votre nom, adresse e-mail et site dans des cookies. C’est uniquement dans le but de votre confort avec pour objectif de ne pas avoir à saisir ces datas au cas où vous déposez un autre commentaire ultérieurement. Ces cookies s'effacent au terme d’un semestre.Au cas où vous vous rendez sur la partie de login, un cookie momentané va se produit pour déterminer si votre terminal entérine les cookies. Cela ne retient pas de informations privées et sera ôté mécaniquement à la fermeture votre terminal.Lorsque vous vous connectez, nous mettrons en place plusieurs cookies afin d'enregistrer vos données de connexion et vos préférences de navigation. La durée de vie d’un cookie de login est de quelques jours, celle d’un cookie d’option d’écran est de l'ordre de l'année. Dans les cas où vous marquez « Se souvenir de moi », votre cookie de connexion sera sauvegardé durant deux semaines. Au cas où vous engagez la déconnexion de votre espace personnel, le cookie de l'enregistrement sera invalidé.Lorsque vous modifiez ou si vous diffusez une page, un cookie en complément sera conçu dans votre terminal. Ce cookie ne comprend aucune information privative. Il illustre simplement le matricule de la publication que vous venez de modifier. Il meurt au bout de 24 heures.

Durées de stockage de vos datas:

Au cas où vous laissez un commentaire, le commentaire et ses données complémentaires sont retenus éternellement. Ce process valide de diagnostiquer et accepter en automatique les textes à venir plutôt que de les maintenir dans la queue des modérateurs.Quand les espaces personnels qui apparaissent sur ce site (autant que faire ce peu), nous archivons aussi les informations individuelles stipulées dans leur page privatif. Tous les profils ont la possibilité agir sur leurs données personnelles n'importe quand. Les modérateurs du site savent aussi agir sur ces datas.

Vidéo Photos et PDF:

Si vous envoyez des médias sur le site, nous vous conseillons de vous abstenir de uploader des icônes ayant des tags EXIF de données GPS. Les internautes surfant sur le site savent capter des informations de repérage depuis ces images.

Communication de vos datas personnelles:

Les textes des internautes pourront être inspectés avec un système robotisé de détection des commentaires grossiers.

Les textes sur ce site:

Lorsque vous déposez un texte sur ce site, les déclarations écrites dans le formulaire visible sur l'écran, mais aussi l'identification IP et l'identifiant utilisateur de votre browser sont enregistrés avec pour objectif de nous donner la possibilité de déceler des propos non autorisés.

Utilisation et attribution de vos données personnelles:

Dans les cas où vous réclamez une désactivation de votre mot de passe, votre adresse IP sera enregistrée dans l’e-mail de purge.

Informations emportées depuis de sites autres:

Les papiers de ce site sont susceptibles d'insérer des contenus emportés (comme des vidéos, images, posts…). Le contenu embarqué depuis d’autres sites se compose de la même manière que si le visiteur se rendait sur cet autre site.Ces sites web ont la possibilité de charger des informations au sujet de vous, activer des cookies, mémoriser des outils de contrôles tiers, filer vos informations avec ces contenus emportés si vous possédez un compte interfacé sur leur site web.

Sécurisation sur vos datas:

Lorsque vous possédez un profil ou si vous avez écrit des commentaires sur le site, vous avez la possibilité de demander à héberger un fichier gardant toutes les datas personnelles que nous conservons à propos de vous, introduisant celles que vous nous avez consenties. Vous avez le droit également de solliciter l'annulation des données privées à votre propos. Cette fonctionnalité ne prend pas en compte les informations accumulées à des fins administratives, légales ou pour sécurité.

Save settings
Cookies settings