La Cour européenne des droits de l’homme s’est récemment jointe à deux affaires interétatiques majeures pendantes devant elle – l’affaire interétatique déposée par l’Ukraine et les Pays-Bas contre la Russie concernant la destruction de l’avion de ligne MH17 et les événements dans l’est de l’Ukraine en 2014, qu’elle a déclarée recevable en janvier, avec la nouvelle requête interétatique déposée par l’Ukraine contre la Russie qui concerne l’invasion à grande échelle à partir de février 2022. L’affaire jointe obligera essentiellement la Cour à décider si la Russie a violé le droit à la vie dans la conduite des hostilités en Ukraine, qui, du point de vue de la Russie, se déroulent en grande partie de manière extraterritoriale. Au stade de la recevabilité de la première affaire, le Human Rights Law Center de l’Université de Nottingham a déposé un mémoire d’amicus curiae, co-écrit par Sangeeta Shah et moi-même, traitant uniquement de la destruction du MH17. La HRLC a été invitée par la Grande Chambre à déposer également un mémoire sur le fond, ce que nous avons maintenant fait. Il est disponible sur SSRN pour tous les lecteurs qui pourraient être intéressés ; voici un résumé :
Le mémoire se limite aux questions de compétence en suspens qui n’ont pas été traitées dans la décision de recevabilité de la Cour, ainsi qu’à l’interprétation de l’article 2 de la CEDH à la lumière des règles applicables du droit international humanitaire (DIH). Ce mémoire examine la relation entre la CEDH et le DIH de manière plus approfondie que notre mémoire au stade de la recevabilité, notamment à la lumière de la jonction de la requête no. 11055/22 qui concerne de nombreux actes d’hostilités commis dans le cadre du conflit armé international entre la Russie et l’Ukraine depuis février 2022.
La première partie du mémoire aborde les questions de compétence qui doivent être tranchées par la Cour au stade du fond, en examinant les règles relatives à la compétence qui s’appliquent au conflit entre la Russie et l’Ukraine depuis février 2022. Elle fait notamment valoir que la Cour devrait annuler l’approche restrictive qu’elle avait adoptée dans son arrêt Géorgie c. Russie (n° 2). Cette section confirme également les règles d’attribution qui doivent être prises en compte lors de l’évaluation de la responsabilité de l’État pour une violation de la CEDH. La deuxième partie du mémoire examine comment l’article 2 de la CEDH doit être interprété à la lumière des règles applicables du DIH. Il examine en particulier comment l’article 2 doit être interprété conjointement avec l’article 15, paragraphe 2, de la CEDH, qui permet de déroger au droit à la vie en cas de décès résultant d’actes de guerre licites, et comment la Cour doit tenir compte des règles du DIH en matière de distinction , proportionnalité, précaution et moyens et méthodes de guerre dans son analyse. Enfin, la troisième partie du mémoire examine comment l’erreur de fait dans l’usage de la force létale doit être considérée à la lumière des obligations découlant de l’article 2 de la CEDH et des règles applicables du DIH.