Le tribunal administratif de Pau a rejeté, ce jeudi 21 décembre 2023, le recours porté par l’association Mémoires et partages sur l’emploi du terme « La Négresse » pour désigner un quartier et une rue. L’association bordelaise, qui travaille autour de l’héritage de la traite des noirs et de l’esclavage, demandait que les délibérations du conseil municipal qui ont validé l’appellation soient abrogées.

Le tribunal a manqué de courage et n’a pas pris la responsabilité face à ce rendez…

Le tribunal administratif de Pau a rejeté, ce jeudi 21 décembre 2023, le recours porté par l’association Mémoires et partages sur l’emploi du terme « La Négresse » pour désigner un quartier et une rue. L’association bordelaise, qui travaille autour de l’héritage de la traite des noirs et de l’esclavage, demandait que les délibérations du conseil municipal qui ont validé l’appellation soient abrogées.

Le tribunal a manqué de courage et n’a pas pris la responsabilité face à ce rendez-vous avec l’Histoire

Karfa Diallo, son directeur, indique qu’elle va faire appel de la décision auprès de la cour d’appel de Bordeaux. La décision du tribunal de Pau n’est pour lui pas une surprise : « Lors de l’audience, le 7 décembre, nous avions senti que le rapporteur public était opposé à l’idée de retirer ce nom raciste et sexiste. Le tribunal a manqué de courage et n’a pas pris la responsabilité face à ce rendez-vous avec l’Histoire. »

« La Négresse » fait référence à une femme supposément antillaise qui aurait servi les soldats napoléoniens dans une auberge du quartier aux environs des années 1810. Son identité demeure inconnue et son existence même n’est pas certifiée, malgré les recherches historiques engagées.

« Connotation péjorative »

La première délibération visée par Mémoires et partages date de 1861. Une autre a permis de baptiser une rue de la zone d’activité voisine en juillet 1986.

Le tribunal administratif se concentre sur le vote originel, celui du XIXe siècle. Il estime qu’à l’époque, ce nom a été donné dans « une perspective mémorielle, en hommage à la personne considérée et à l’histoire locale qui l’accompagne, et non dans le but de présenter de manière dégradante, humiliante ou avilissante une esclave ou descendante d’esclave à la peau noire ou de stigmatiser les membres d’une communauté pour un motif raciste ».

Jamais ce patronyme n’a comporté dans l’esprit des Biarrots une quelconque forme de racisme ou d’indigne volonté de nuire à la mémoire de quiconque

Si le terme choque les visiteurs, de nombreux locaux disent l’avoir toujours utilisé par automatisme, sans penser à mal. « Les habitants sont particulièrement attachés à ce quartier dit de ‘La Négresse’ et à la mémoire de cette femme. Jamais ce patronyme n’a comporté dans l’esprit des Biarrots une quelconque forme de racisme ou d’indigne volonté de nuire à la mémoire de quiconque », souligne Maider Arosteguy, la maire de Biarritz par voie de communiqué.

Une stèle pour elle

Le tribunal s’appuie sur cet argumentaire et relève qu’il n’est « pas établi que le nom La Négresse, utilisé constamment depuis 150 ans, a été de nature à heurter la sensibilité des habitants de la commune ». Il note que personne jusque très récemment ne s’en était ému au point de le remettre en cause. Dans ce contexte, le tribunal administratif considère « qu’en dépit de l’évolution sémantique du terme ‘négresse’ depuis 1861 vers une connotation péjorative, la dénomination en cause ne peut être regardée […] comme portant atteinte à la dignité humaine. »

Nous voulons simplement que justice soit rendue à notre demande citoyenne et respectueuse

Karfa Diallo voit là une contradiction : « On nous dit que c’est péjoratif, mais on décide de ne rien changer. Nous voulons simplement que justice soit rendue à notre demande citoyenne et respectueuse, qui n’est en rien accusatoire envers les habitants de Biarritz. En attendant, nous allons continuer à faire œuvre de pédagogie. »

De la pédagogie, c’est aussi ce que veut faire la commune à sa façon. « Une explication historique sera apportée en 2024 sous la forme d’une stèle : un hommage appuyé, légitime et nécessaire à cette femme dont l’empreinte a marqué Biarritz », annonce la Ville.

Mémoires et partages, qui estime être « en train de gagner la bataille de l’opinion après la disparition du terme sur plusieurs enseignes du quartier et sur la gare », n’en restera pas là. Elle prépare pour début 2024 un recours contre Vinci pour l’obliger à effacer le mot polémique des panneaux de sortie de l’autoroute.