La Cour de justice, siégeant en sa formation de Grande Chambre, a rendu, ce jour, son arrêt dans l’affaire JO (mandat d’arrêt européen émis contre un ressortissant d’un pays tiers) (C-700/21), une affaire concernant la faculté pour l’autorité judiciaire d’exécution de refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen afin qu’un ressortissant d’un pays tiers purge la peine prononcée par l’État membre d’émission, sur le territoire de l’État membre d’exécution.
L’affaire concerne l’émission par le tribunal de première instance de Brașov d’un mandat d’arrêt européen (« MAE ») à l’encontre d’un ressortissant moldave, aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté. Étant donné que la personne recherchée réside en Italie, la Cour d’appel de Bologne est l’autorité judiciaire d’exécution chargée de sa remise. Bien que sa défense ait établi le caractère stable de sa vie familiale et professionnelle en Italie, l’autorité judiciaire d’exécution n’avait pas la possibilité de refuser son retour en Roumanie afin que la peine puisse être exécutée en Italie. En effet, en vertu de la loi italienne transposant la décision-cadre MAE, cette possibilité est limitée aux ressortissants italiens et aux ressortissants d’autres États membres qui ont des liens économiques, professionnels et affectifs stables avec l’Italie, à l’exclusion des ressortissants de pays tiers.
En conséquence, la Cour d’appel de Bologne a saisi la Cour constitutionnelle italienne, qui juge opportun, avant d’apprécier la constitutionnalité de la loi italienne de transposition, d’examiner sa compatibilité avec le droit de l’Union.
À la suite de l’enquête de la Cour constitutionnelle italienne, la Cour de justice a d’abord jugé que le droit de l’Union ne permet pas l’application d’une loi nationale qui exclut, de manière absolue et automatique, les ressortissants de pays tiers, qui séjournent ou résident sur le territoire d’un État membre, de bénéficier du motif de non-exécution facultative d’un mandat d’arrêt européen, sans que l’autorité judiciaire d’exécution puisse apprécier les liens que cette personne entretient avec cet État membre. En outre, la Cour a soutenu qu’une telle disposition nationale est contraire au principe d’égalité de traitement, tel que consacré par la Charte des droits fondamentaux, puisqu’elle traite différemment, d’une part, ses propres ressortissants et les autres citoyens de l’Union et, d’autre part, d’autre part, les ressortissants de pays tiers, sans tenir compte du fait que ces ressortissants de pays tiers peuvent également démontrer qu’ils ont un degré d’intégration suffisant dans la société de l’État membre d’exécution.
Toutefois, la Cour a souligné que l’application d’un tel motif d’inexécution facultative est subordonnée au respect de deux conditions. La première serait que la personne recherchée séjourne dans l’État membre d’exécution et soit ressortissante ou résidente de cet État membre. La seconde serait que cet État s’engage à exécuter, conformément à son droit interne, la peine pour laquelle le mandat d’arrêt européen a été émis.
La Cour de justice a ajouté que si l’autorité d’exécution constate que les deux conditions mentionnées sont remplies, l’autorité judiciaire d’exécution doit apprécier s’il existe un intérêt légitime justifiant que la peine prononcée dans l’État membre d’émission soit exécutée sur le territoire du membre d’exécution État.
En conclusion, la Cour de justice a jugé que l’autorité judiciaire d’exécution devait procéder à une appréciation globale de l’ensemble des éléments caractérisant la situation de la personne recherchée susceptibles de démontrer qu’il existe entre cette personne et l’État membre d’exécution des liens tels que l’exécution de la la peine dans cet État membre contribuera à sa réinsertion sociale. Ces éléments comprennent les liens familiaux, linguistiques, culturels, sociaux ou économiques que le ressortissant de pays tiers entretient avec l’État membre d’exécution ainsi que la nature, la durée et les conditions de son séjour dans cet État membre.
Lire le jugement (non disponible en anglais au moment de la publication) ici et le communiqué de presse ici.