Le 14 juillet 2022, dans l’affaire DS contre Porsche Inter Auto GmbH & Co. KG, Volkswagen AG (Affaire C-145/20), la CJUE s’est prononcée sur la non-conformité d’un véhicule qui, bien que réceptionné CE, avait une des systèmes de régulation des émissions non conformes au règlement visant à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement et à améliorer la qualité de l’air au sein de l’UE.
En 2013, un consommateur a acheté en Autriche une voiture Volkswagen, génération Euro 5 auprès d’un concessionnaire agréé indépendant Volkswagen. Le logiciel gérant la recirculation des gaz d’échappement (EGR) fonctionnait selon deux modes (« switch system ») : le premier était activé exclusivement en laboratoire, lors de l’essai d’homologation ; le deuxième mode a été activé dans des conditions de conduite normales. Le système de commutation n’a pas été divulgué à l’autorité allemande qui a accordé la réception par type, régie par le règlement n° 715/2007 sur la réception par type des véhicules à moteur en ce qui concerne les émissions des véhicules particuliers et utilitaires légers (Euro 5 et Euro 6). La réception d’une réception par type certifie qu’un type de véhicule «(…) satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables» (article 3, paragraphe 5, de la directive 2007/46 établissant un cadre pour la réception des véhicules à moteur). Si l’autorité avait été au courant du système, l’approbation n’aurait pas été accordée. Cependant, le consommateur aurait quand même acheté le véhicule.
En 2015, l’autorité allemande a ordonné au producteur (Volkswagen) le retrait du système de commutation afin qu’il soit conforme au règlement n° 715/2007. En 2016, la même autorité a considéré que la mise à jour du logiciel effectuée par le producteur était suffisante pour rétablir la conformité, ne retirant ou ne révoquant donc pas l’homologation précédemment accordée. La mise à jour du logiciel consistait en ce qui suit : le mode de réduction des émissions a été activé dans des conditions de conduite normales, « uniquement lorsque la température extérieure était comprise entre 15 et 33 °C (« la fenêtre de température ») » (paragraphe 34). Au vu de cela, le consommateur a saisi le tribunal régional de Linz en demandant soit le remboursement du prix lors de la restitution du véhicule, soit une réduction du prix payé, soit – enfin – la déclaration du vendeur et du producteur qu’ils sont ‘ responsable des dommages résultant de la présence d’un dispositif interdit interdit [i.e., the updated software with the temperature window function] au sens de l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 715/2007» (point 35). Le tribunal régional de Linz et le tribunal régional supérieur de Linz ont rejeté l’action. Le consommateur a fait appel des décisions en cassation devant la Cour suprême d’Autriche qui a renvoyé l’affaire devant la CJUE en 2020.
Contrairement aux juridictions de première et de deuxième instance, la Cour suprême a considéré le système d’aiguillage comme un « dispositif de neutralisation » et donc contraire aux articles 3, paragraphe 10, et 5, paragraphe 2, du règlement n° 715/2007. Conformément à l’article 3, paragraphe 10, un « dispositif d’invalidation » désigne tout élément de conception qui détecte la température (…) dans le but d’activer (…) le fonctionnement de toute partie du système de contrôle des émissions, qui réduit l’efficacité du système antipollution dans des conditions que l’on peut raisonnablement s’attendre à rencontrer lors du fonctionnement et de l’utilisation normaux du véhicule». Conformément à l’article 5, paragraphe 2, l’utilisation de dispositifs d’invalidation est donc interdite, à l’exception de trois exceptions liées à des questions techniques. L’une de ces exceptions (lettre a)) est que l’existence du dispositif « est justifiée en termes de protection du moteur contre les dommages ou les accidents et pour la sécurité de fonctionnement du véhicule ». En outre, la Cour suprême a considéré en tout état de cause que le véhicule était défectueux au regard de la législation autrichienne en ce que le dispositif d’invalidation n’avait pas été divulgué à l’autorité allemande chargée de l’homologation.
L’arrêt de la CJUE est divisé en trois parties.
1) A la question de savoir si une voiture (qui est autorisée à circuler parce qu’elle a reçu la réception CE par type) peut être considérée comme conforme au contrat (conformément à l’article 2, paragraphe 2, d de la directive 1999/44 sur certains aspects de la vente de biens de consommation et des garanties associées), la CJUE a statué comme suit.
Conformément à la directive 2007/46, lors de la réception CE par type, les États membres certifient « qu’un type de véhicule (…) satisfait aux dispositions administratives et aux exigences techniques applicables » fixées dans ladite directive (article 3, paragraphe 5). Seuls les véhicules conformes à la directive peuvent être vendus, immatriculés ou mis en service dans l’UE (article 4, paragraphe 3). Les constructeurs doivent démontrer la conformité avec l’homologation de type (article 4, paragraphe 1, du règlement n° 715/2007) et doivent remettre un certificat de conformité au consommateur, avec le véhicule (article 18, paragraphe 1, de la directive 2007/46). À la lumière de ce qui précède, il est évident qu’un consommateur qui reçoit un tel certificat peut raisonnablement s’attendre au respect du règlement n° 715/2007 et qu’à défaut de ce respect, l’article 2, paragraphe 2, point d), doit être interprété en ce sens que le véhicule ‘ne présente pas la qualité et les performances qui sont normales pour des biens du même type et auxquelles le consommateur peut raisonnablement s’attendre ‘compte tenu de la nature des biens’ (paragraphe 55). Le fait que la réception CE par type ait été accordée ne change rien à ce résultat, dans la mesure où, conformément à la directive 2007/46, une fois qu’un élément illicite d’un véhicule a été découvert après la réception, celui-ci peut être retiré à l’autorité ou à un une nouvelle réception par type peut être accordée après consultation de l’État membre avec le constructeur.
2) Interrogée sur la question de savoir si le dispositif d’invalidation était en place pour des raisons de sécurité et donc s’il peut être considéré comme une exception à l’interdiction énoncée à l’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 715/2007, la CJUE a ensuite observé ce qui suit.
Le dispositif d’invalidation « qui garantit (…) le respect des limites d’émission (…) uniquement dans la fenêtre de température (…) ne peut être justifié au titre de cette disposition que s’il est établi que ce dispositif répond strictement à la nécessité de éviter les risques immédiats de dommages ou d’accidents du moteur, causés par un dysfonctionnement d’un composant du système EGR, d’une nature suffisamment grave pour entraîner un danger spécifique lors de la conduite d’un véhicule équipé de ce dispositif» (paragraphe 81) . La CJUE a ainsi exclu l’application de l’article 5, paragraphe 2, point a), à tous les systèmes d’aiguillage fonctionnant dans une fenêtre de température, autorisant par ailleurs la dérogation constante à l’interdiction. Elle a relevé qu’«un dispositif d’invalidation qui, dans des conditions normales de conduite, a fonctionné pendant la majeure partie de l’année pour protéger le moteur contre les dommages ou les accidents et assurer la sécurité de fonctionnement du véhicule ne pouvait relever de l’exception prévue à l’article 5( 2)(a)’ (paragraphe 81).
3) Enfin, la juridiction de renvoi a demandé si le dispositif défait pouvait être considéré comme un défaut de conformité mineur au sens de l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44 qui n’aurait pas empêché le consommateur d’acheter la voiture.
La CJUE a noté que la directive 1999/44 ne définissant pas ce qu’est un défaut de conformité mineur, celui-ci doit être déterminé en se référant au « langage courant, tout en tenant compte du contexte dans lequel il se produit » (paragraphe 88). Un défaut de conformité doit donc être, tout d’abord, « d’importance mineure » (paragraphe 89). Deuxièmement, en ce qui concerne le contexte: dès lors qu’un véhicule équipé d’un tel dispositif d’invalidation ne peut pas être homologué et ne peut pas respecter les limites d’émission fixées par le règlement n° 715/2007, il est clair que la présence du dispositif « ne peut être considérée comme constituant un défaut de conformité mineur au sens de l’article 3, paragraphe 6, de la directive 1999/44» (paragraphe 96).
La CJUE a ainsi estimé que le véhicule, bien qu’ayant reçu la réception CE et donc autorisé à circuler, n’était pas conforme au contrat en ce que le système de contrôle des émissions n’était pas conforme aux règles relatives à la garantie de la protection de l’environnement et de l’amélioration de la qualité de l’air dans l’UE. À condition que le défaut de conformité ne soit pas d’importance mineure, le consommateur a en principe droit à l’un des quatre recours juridiques : la réparation ou le remplacement de la voiture, la réduction du prix payé ou même la résiliation du contrat. L’appréciation est laissée à la juridiction nationale.